Pourquoi aller à l`église si Dieu est dans mon âme? Diacre Andrei Kouraev

Pourquoi aller à l`église si Dieu est dans mon âme? Diacre Andrei Kouraev

 (L`original “ЗАЧЕМ ХОДИТЬ В ХРАМ, ЕСЛИ БОГ У МЕНЯ В ДУШЕ?” / Диакон Андрей Кураев était traduit par notre paroissienne Irina Shakir)

Nous avons chacun des amis, voire des proches qui nous lancent des regards étonnés lorsqu’ils nous voient aller à l’église. Sur leurs visages s’inscrit une profonde incompréhension et même, par moment, de l’intolérance. Parfois elle se manifeste par des mots: «Ok, tu es tombé dans la foi, mais pourquoi aller à l’église, combien de temps et d’efforts tu perds pour cela. Moi, par exemple,  je suis aussi croyante, mais ma foi est dans mon cœur. Dieu est dans mon âme et je n’ai pas besoin de rituels extérieurs», ou bien notre célèbre humoriste disant: «Pour communiquer avec Dieu, je n’ai pas besoin d’intermédiaire! »

Comment expliquer à ces personnes notre comportement?

Ceux qui disent que l’église et les intermédiaires ne sont pas nécessaires, ne considèrent certainement pas l’Évangile. Ils seraient sûrement plus aptes à ressentir l’authenticité humaine dans les paroles de Vinni Puh (Winnie the Pooh). Lorsqu’on lui demande d’écrire un poème, celui-ci répond: «Ce n’est pas si facile. La poésie n’est pas une chose que l’on trouve, c’est une chose qui Vous trouve. Et tout ce que l’on puisse faire, c’est aller là ou on peut Vous trouver».

L’église est cet endroit, où Dieu trouve l’homme.

Pourquoi? Effectivement, pourquoi aller à l’église? Écouter des louanges? Pour cela, il suffit d’allumer la radio. Prier? On peut prier n’importe où et n’importe quand. De plus, c’est  bien là le conseil des apôtres«Priez sans répit». Apporter des offrandes? On peut faire l’aumône partout dans les rues. Déposer des feuillets pour les prières à la sauvegarde de nos proches? On peut transmettre ces listes par une autre personne. Allumer un cierge? On peut le faire devant l’icône a la maison. Alors pourquoi aller à l’église?

Certains diront que pour se recueillir et prier, ils se rendent à la forêt, à la rivière, à la mer, dans le temple naturel de Dieu. C’est là, qu’ils ressentent la grandeur de Dieu et c’est là qu’il peuvent louer le Tout Puissant. Pourquoi, disent-ils nous limiter à un temple aux murs étroits et construit par les hommes lorsque nous avons toute la nature immense?

Pour comprendre cela, faisons une petite parenthèse en dehors du temple chrétien. Souvenons-nous de l’époque ou l’intérêt le plus important chez les païens était de choisir une offrande à apporter aux dieux, et de savoir quand et pour quelle raison l’apporter, selon quel rituel et auquel des nombreux dieux fallait-il l’offrir …voila ce que l’on peut trouver dans les livres qui expliquent des rituels païens.

Or, dans l’Évangile, c’est tout le contraire. Si pour les païens, c’est l’homme qui doit faire un sacrifice à dieu, l’Évangile, lui, nous raconte quel sacrifice Dieu a apporté aux hommes: «le Fils de l’Humanité est venu sur terre non pas pour qu’on Le serve mais pour que Lui serve et pour qu’Il donne Son Âme et sauve ainsi nombre d’entre nous» (J. 3, 16).

Comprenez-vous? Dieu de la Bible est immensément plus grand que tout l’univers. Il lui est impossible de faiblir alors qu’Il crée le monde. Oui, Dieu, de par Sa force, de par Son énergie soutient l’existence du cosmos et Sa puissance immuable n’en diminue point. Il ne Lui est donc pas nécessaire que les hommes L’alimentent.

Cela explique pourquoi les sacrifices bibliques étaient nécessaires aux hommes et non à Dieu. Tout ce que les hommes doivent apprendre c’est à être reconnaissants. Tout ce qu’Il attend de nous, c’est que l’on puisse épargner pour lui ne serait-ce qu’une infime partie de notre vie, de notre budget et de notre temps (souvenez-vous du samedi). Savoir retirer de soi pour se rallier a Dieu.

Non pas, parce que Dieu a besoin de cette part, mais parce qu’ainsi Il cultive en nous l’amour du sacrifice.

Le plus important dans la religion ce n’est pas ce que les hommes font pour Dieu mais ce que Dieu fait pour les hommes. Le plus important dans la religion ce n’est pas ce que les hommes apportent à l’église mais ce qu’ils peuvent en retirer.

Ce que l’on veut apporter à Dieu, on peut le Lui apporter n’importe où. Tout ce qui est en ce monde Lui appartient déjà. Il n’y a qu’une seule partie de l’Existence où Dieu a permis à un autre de régner en seigneur à Sa place. Cette partie est notre âme. C’est cette petite chambre dans l’immensité de l’univers où le Créateur n’entre pas sans permission. Il ne dépend que de nous, de décider au service de quel souverain nous léguons cette liberté qui nous a été offerte par Dieu. Il ne dépend que de nous, de décider de servir Dieu ou nous servir nous-mêmes à assouvir nos ambitions et nos besoins charnels.

La seule manière pour nous de renchérir l’infini pouvoir de Dieu, c’est de lui léguer toute notre liberté. C’est pour cela que «le sacrifice pour Dieu- c’est une âme résignée» (Ps. 50. 19). Ce sacrifice, chacun d’entre nous peut le faire et dans ce sens, chacun de nous est un prêtre. Comme le dit l’apôtre Pierre «les chrétiens sont un peuple constitué de prêtres» (1 Pierre. 2, 9).

Personne ne peut apporter en sacrifice ma volonté à Dieu à part moi-même. Moi seul en suis le souverain et moi seul suis capable de l’offrir à Dieu et de dire: «Mon Dieu! que Ta volonté soit faite, pas la mienne! Je Te remercie pour tout ce que Tu désires apporter dans ma vie! Donne-moi la possibilité de Te servir à chacune de mes respirations, à n’importe quel endroit!»

Donc, tout ce que l’on peut apporter à Dieu est toujours avec nous. Ainsi nous pouvons toujours dire à notre «moi» les paroles «écartes-toi et ne me cache pas le soleil!» ce que le philosophe Diogène répondit à Alexandre de Macédoine qui lui proposait de réaliser n’importe lequel de ses désirs.

Le chrétien n’a pas besoin de temple pour faire son sacrifice à Dieu.

Pourtant, dans la religion, il n’y a pas seulement ce que l’on donne. Le plus important, c’est ce que l’on reçoit. Ce qui est important, ce n’est pas pourquoi nous cherchons Dieu. Ce qui est important c’est pourquoi Il nous cherche.

Ce, pourquoi nous venons a l’église et adressons à Dieu notre prière, nous est bien clair. Nous voyons en lui une sorte de générateur d’aide sociale: «Donne-nous, Seigneur, plus de santé, plus de réussite et une augmentation de salaire!…» Souvent nous nous adressons à Lui non pas, par amour pour Jésus, mais pour notre morceau de pain, comme le disait le saint Dimitri Rostovski. Mais pourquoi, alors Dieu nous cherche-t-Il? Veut-Il nous prendre quelque chose? Ou bien nous donner?

Pourquoi nous appelle-t-Il en disant : «Venez vers moi, vous les laborieux et les affligés»? ..(Mth. 11, 28) Il n’y a point dans cet appel une suite du genre «et donnez-Moi ceci- cela…» Une promesse arrive à la suite de Son invitation; elle nous dit ce que Dieu fera à ceux qui auront répondu à l’appel: «Et je vous réconforterai, vous trouverez la paix dans votre âme».

Ainsi, Dieu nous appelle vers Lui pour nous donner, nous transmettre.

Mais quoi?

Le Savoir – «Apprenez de Moi»…L’Esprit – «Prenez de Mon esprit»…

L’Amour, la Paix et la Joie – «Soyez dans Mon amour…Je vous donne Ma paix…Que Ma joie soit votre…». Mais le Christ nous donne encore plus, quelque chose d’incroyable: «soyez en Moi et Moi en vous…prenez, ceci est Mon sang, qui a coulé pour vous…» Le Christ se donne entièrement à l’homme, toute Sa divinité autant que Son humanité.

En médecine, il existe une procédure où l’on fait une transfusion de son propre sang à un patient (dyalise). On retire le sang du corps du patient, on le nettoie des mauvais ingrédients ou bien on y en rajoute d’autres nécessaires à la survie, quand l’organisme est incapable de les synthétiser en quantité suffisante. Et c’est ainsi que ce sang désinfecté et enrichi est aussitôt transfusé dans le corps du patient.

Quelque chose de semblable se produit dans notre relation avec le Christ. Dieu devient un être humain. Il devient notre semblable, mortel. Il intègre en Lui notre nature, en Lui Il la purifie, l’enrichi de Sa divinité, de Son éternité, de Son immortalité et Son Corps humain, étant passé par la mort et ayant ressuscité, Il nous Le rend. Son sang humain, rempli de fluides divins, Il nous le transfuse pour que nous puissions porter en nous l’embryon de la résurrection et que nous soyons aptes à l’éternité.

Donc, nous allons à l’Église pour y recueillir quelque chose. Le temple de Dieu- ce sont des murs construits autour du Sacrement de la Communion. Ce sacrement signifie qu’une main nous est tendue avec des Dons. Voila pourquoi la visite au temple n’est point une soumission mais un divin privilège.

Ce privilège nous est offert afin que nous puissions «faire partie de la nature Divine». Il nous est permis de nous alimenter de cette Énergie que ne peut produire aucune station électrique au monde.

Le Christ nous a indiqué l’endroit où Il nous attend et ce qu’Il veut nous donner. Il est éternel, Il désire nous rencontrer et communier avec nous dans cette vie pour qu’à l’avenir, dans notre vie éternelle, nous ne nous retrouvions pas irréparablement seuls et abandonnés.

Serait-ce poli si, sachant que quelqu’un nous a donné un rendez-vous sur la place Pouchkine et qu’à cette heure précise nous entamions une promenade sur la rue Léon Tolstoï? Si la rencontre n’a pas eu lieu, qui en serait fautif?.. C’est bien clair- «Pouchkine»!

Dieu nous a cherché. Il nous a trouvé. Tout ce que nous avons à faire c’est de nous positionner à un tel endroit où Dieu est le plus proche possible des hommes. Là, ou Il distribue aux hommes les Dons les plus chers et les plus importants. Si le Christ nous transmet le calice avec Ses dons à travers les portes sacrées du temple, avons-nous le droit de tourner du nez en disant «Dieu est déjà dans mon âme»?

La Foi – c’est une action. C’est l’aspiration en vue de quelque chose que l’on préconise déjà, mais qui n’est pas encore évident. C’est la conviction que quelque chose a touché notre vie, y a déposé une lueur scintillante, mais n’y est pas encore installé complètement…La Foi – c’est le désir d’une nouvelle expérience. Ceux qui disent: « J’ai ma foi et elle est dans mon âme» souvent, le disent avec des yeux fades, à tel point qu’il devient difficile de croire qu’ils aient pu un jour ressentir le contact de Dieu.

Il est impossible d’aimer sans démontrer son amour, sans faire ne serait-ce que quelques mouvements envers la personne bien-aimée. Il est également impossible de croire sans démontrer sa croyance par des actions extérieures. La rose que l’on offre à l’élue de notre cœur, en tant que telle, lui est inutile. Cette fleur lui est chère, non pas par sa beauté mais simplement par le fait que l’amour de celui qui l’offre y a laisse un scintillement. Les fleurs achetées et celles qui ont été offertes ravivent la chambre de manière tout à fait différente.

Si un homme affirme qu’il aime mais ne fait rien au nom de cet amour, s’il ne cherche pas à se voir, n’offre rien, ne passe pas de temps ensemble, ne communique pas et ne se sacrifie en rien, il ne fait donc que se vanter devant ses amis déjà amoureux. Comme pour leur dire «je ne suis pas pire que vous, j’ai aussi une bien-aimée!».

Donc, si l’on affirme que Dieu est dans notre âme, aussi faudrait-il se demander qu’est ce que l’on a fait pour nettoyer cette âme afin de mériter une visite d’une telle merveille? Comment et par quel nom L’avons-nous interpellé? Comment Le gardons-nous en nous même? Qu’est ce qui a changé en nous depuis cette rencontre? Avons-nous aimé Celui que L’on a rencontré? Et que fait-on au nom de cet amour?

Si ces questions vous laissent dans le silence de l’incompréhension, alors considérez que vous n’avez en rien surpassé ceux qui font ne serait-ce que le moindre effort pour être près de Dieu! Ne dénigrez pas ceux qui avancent même s’il culbutent!

Ceux qui disent qu’ils n’ont pas besoin d’intermédiaires dans leur relation avec Dieu ne comprennent pas pas qu’au sein de l’église justement, les attend cet Intermédiaire, qui à leur place, a donné le sacrifice et les a ainsi libéré du besoin de détruire ce monde, pour qu’ils n’aient pas, par le résultat de leur destruction, à nourrir les petits dieux.

 Est-il donc si insupportablement compliqué d’ouvrir ses mains afin que l’on y dépose des Dons du ciel?

Share Button
Print Friendly, PDF & Email